Lance de la vengeance
Übel Blatt (scénario et dessin de Etorouji Shiono, éd. Ki-oon, 11 volumes, série en cours)
Il y a 20 ans, quatorze guerriers furent envoyés dans une mission périlleuse afin de sauver l’empire. Sept d’entre eux revinrent, trois avaient péri au combat tandis que quatre autres avaient trahi l’empire pour rallier la cause de l’ennemi. Ces lâches furent nommés lances de la trahison. Voici l’histoire officielle, celle écrite par les vainqueurs. Mais aujourd’hui, à la frontière de l’empire, un étrange guerrier est apparu. Sous les traits d’un jeune semi-elfe se faisant appeler Koinzell, il pourrait bien bouleverser la paix instaurée dans l'empire depuis le retour des sept "héros".
Amateur d’héroïc-fantasy, voici une œuvre de Dark Fantasy qui pourrait bien vous réconcilier avec un genre usé jusqu’à la corde ! En tout cas en BD européenne. Car il faut l’avouer, en matière de manga ce genre est en concurrence directe avec son cousin asiatique : le récit de samouraï. Autant les grandes sagas de sabre sont légions (Kenshin le vagabond, Lone Wolf and Cub, Musashi, L’Habitant de l’infini…) autant les histoires de dragons, de nains, d’elfes et d’épées magiques ne sont ni nombreuses, ni incontournables (Les chroniques de la Guerre de Lodoss : La dame de Falis, Berzerk...). Mais ici…
Ah fidèles lecteurs d’IDDBD, voici une véritable quête avec des personnages, des héros et des lâches et de nobles valeurs obscurcies par un côté sombre (et réciproquement) ; voici un scénario aux rebondissements multiples, où de vraies surprises vous attendent, où les attentes se figent dans des moments de tensions, où le relâchement laisse la place aux découvertes, où les flashbacks dévoilent d’improbables secrets, cases après cases…
On retrouve évidemment les normes du genre : le héros très fort et blessé dans son âme, la copine agréable à regarder, l’apprenti-héros, le jeune chevalier, l’ennemi mortel, les méchants méchants et la petite fille à protéger. Parlons aussi des tenus sexys, voire de l’absence de tenue ou de l’utilisation du string un peu trop prononcée sur des héroïnes à l’apparence parfois fort jeune, pour moi le seul bémol au tableau. Je ne défendrai pas ce choix de l’auteur car c’est un peu agaçant... et surprenant car ce dernier n’abuse pas trop des grands poncifs habituels : grosses épées, gros dragons et très grosses batailles. En tout cas, leur utilisation est toujours dans le souci de l'intégrer parfaitement au récit, pas comme une obligation pour ados boutonneux ou no-life en mal de sensations. Et ça marche ! Dans l’ensemble l’histoire et l’univers dans lequel évolue les héros sont parfaitement cohérents, n’abusant ni de personnage, ni de nom de région biscornue (un peu mais pas trop). Toujours agrémenté par les souvenirs et les doutes, cette quête vengeresse d’un homme seul contre un empire résonne comme les belles et grandes histoires du genre, on pense évidemment aux récits de personnages écrits par Tolkien (Les enfants de Hurin en particulier pour le côté très sombre de l'univers). Bref, celles que tout bon rolistes bardes qui se respectent rêveraient de conter à ses condisciples.
Ah oui, j’ai oublié de parler du style. Un trait classique pour du manga, des scènes de combats pas trop chargés et relativement lisibles (pas toujours le cas), l’abus de string peut nuire à la santé mental des boutonneux les plus fragiles mais dans l’ensemble ça reste du très très bon. Attention cependant à ne pas se laisser prendre par le dessin naïf, certaines scènes de combat ou de sexe pourrait choquer les plus prudes d'entre vous. Übel Blatt est un vrai seinen ! Un petit recommandé ? Evidemment, car de l'heroic-fantasy qui prend le temps de bâtir autre chose qu'une suite de cliché c'est assez rare et très précccccccccccieeeeeeeeuuuxxx ! (oups)
A voir : un portail consacré à Übel Blatt et au genre Dark Fantasy (en manga)
A lire : le dossier spécial sur manga-news
Attention : cette chronique s'inscrit dans le Challenge BD lancé par Mr ZOMBI et auquel participe IDDBD